L’Art Contemporain. Où en êtes-vous ?
Parmi les rendez-vous habituels et attendus de l’automne, FIAC, SHOW OFF, ART ELYSEES, GMAC… quand Paris devient un vaste marché de l’art et sans oublier la XIème édition de la Biennale de Lyon jusqu’au 31 décembre 2011. Je profite de l’événement qui se termine demain : la « FIAC 1974-2011 » pour vous parler d’un sujet qui m’est cher et qui a engendré beaucoup de discussions avec mes proches.
Pas intéressés ?…zappez ! mais pas trop vite….
L’Art contemporain a le don d’en hérisser plus d’un qui n’hésitent pas à parler d’usurpation, de profit, de snobisme, d’élitisme etc. … la liste des superlatifs négatifs est longue mais au-delà de ça il y a sûrement autre chose, n’est-ce- pas ?
*On comprend ou on ne comprend pas, on aime ou on n’aime pas, on s’extasie ou l’on rejette, dans tous les cas…
L’Art est et a toujours été lié à son époque et donc à l’Histoire. Il en est l’expression.
« Il n’y a en art, ni passé, ni futur. L’art qui n’est pas dans le présent ne sera jamais ». Pablo Picasso – 25 Mai 1923
*L’Art est subjectif et véhicule des émotions propres à celui qui offre (l’artiste) et celui qui reçoit (le public).
Si on lui donne comme point de départ 1945 c’est parce que cela correspond au changement provoqué par la guerre et ses conséquences.
L’Art contemporain est par essence même synonyme de déstructuration, d’éphémère. Il déconstruit pour reconstruire et s’appuie sur le discours et le concept. Il figure les dérisions à outrance de la fin du XXe siècle.
« Au fond, par le non-sens apparent avec lequel il pavane ses vanités, l’art contemporain émet donc en ricanant un écho à toutes ces anxiétés collectives de nouveau millénaire »
Il a la valeur que chacun lui accorde. Il ne renie pas les « merveilles » de l’Art Classique. Il s’appuie sur lui. Il fait comme lui. Il applique les techniques nécessaires à son expression en fonction des apports du « progrès ».
*Selon Wikipédia : « L’expression « art contemporain » désigne de façon générale et globale l’ensemble des œuvres produites depuis 1945 à nos jours, et ce quelle qu’en soit le style et la pratique esthétique. Dans cette classification périodique, l’art contemporain succède à l’art moderne (1850-1945). Cette désignation s’applique également aux musées, institutions, galeries, foires, salons, biennales, … montrant les œuvres de cette période.
L’expression « art contemporain » est aussi utilisée en France, avec un sens plus restreint, pour désigner les pratiques esthétiques et réalisations d’artistes revendiquant « une avancée dans la progression des avant-gardes». On parle aussi d’art contemporain pour désigner, par convention, l’art des années 1960 et d’après. Le Pop Art marquerait, de ce fait, une rupture par rapport à l’art moderne. » …
*Je pense qu’il faut du temps pour donner un nom d’œuvre à une production et désigner son auteur d’artiste. Oui, il faut bien commencer, c’est sûr! Il y a des personnes qui ont un véritable talent. Pour produire, se consacrer à l’art, il faut- et du temps et de l’argent – sans mécène et sans relation, difficile…
On pourrait dire qu’actuellement l’art est « élitiste ». Et pourtant, il est partout autour de nous. Il suffit de regarder…
*Ceci est-il une œuvre d’art ? telle est la question.
Quels sont les critères de l’art ? A quoi et comment reconnaît-on une œuvre d’art ?
Une telle interrogation présuppose que l’on sait déjà ce qu’est une œuvre d’art. Il suffirait, à partir de ce savoir, d’indiquer ces critères communs à toute œuvre, qui permettraient de les identifier.
Si personne ne nous demande quel est ce critère d’une œuvre d’art, nous croyons le savoir. Mais, sitôt que l’on nous interroge, nous éprouvons de l’embarras. Nous sommes incapables d’indiquer un critère valable pour l’ensemble des œuvres d’art dans toute leur diversité. Nous constatons avec étonnement que ce savoir n’est qu’une illusion.
Une autre solution consiste à partir des choses et non pas du concept.
Si, donc, nous choisissons comme point de départ cette diversité des œuvres d’art afin d’établir un critère, nous nous trouvons confrontés à d’autres interrogations :
Où trouver ces œuvres d’art ?
Comment les répertorier ?
Comment établir le catalogue de ces œuvres ?
Quelles sont les limites de cette liste si l’on ne dispose pas d’un concept d’œuvre d’art ?
Bref qu’est-ce qui nous permet de considérer telle ou telle œuvre comme des œuvres d’art si nous n’avons pas l’idée de ce que c’est.
Nous nous retrouvons dans un cercle vicieux.
*Peut-être faut-il alors revenir à cette idée que nous avions de l’art, idée fatalement trop étroite pour contenir la diversité de ce que les galeries et les musées présentent et exposent, mais qui propose néanmoins un critère par lequel il nous était possible de reconnaître certaines œuvres d’art.
Face à la diversité des œuvres d’art, ne faut-il un principe d’intelligibilité grâce auquel je sache que j’ai affaire à une œuvre d’art.
*Cette identité, ce principe d’intelligibilité, c’est l’essence de l’œuvre d’art.
Or, l’œuvre d’art n’est-elle pas cette création unique, singulière et échappe à la classification, à l’assimilation.
*On pourrait commencer par dire que c’est le résultat d’une production humaine. On ne la découvre pas dans la nature.
On aboutirait alors à cette définition restrictive où le terme d’œuvre d’art désignerait toute production humaine échappant à toute entreprise de classification.
Mais, si l’œuvre d’art est une production humaine, inversement, toute production humaine n’est pas une œuvre d’art. Il faudrait un critère permettant de les distinguer selon une finalité qui se trouve en dehors d’elle-même.
La plupart des productions humaines obéissent à cette règle de finalité et d’utilité. Elles sont fabriquées en fonction d’un besoin qu’il faut satisfaire, telle la maison dessinée par l’architecte et construite par le maçon en fonction de l’idée d’abri.
En revanche, les œuvres d’art sont à elles-mêmes leur propre fin. Elles sont d’abord là pour elles-mêmes et non pour se rendre utiles!
Si l’œuvre d’art possède une utilité, c’est à titre accidentel. Ce n’est donc pas le critère de l’utilité qui fait la nature artistique de l’œuvre d’art. L’art n’est pas indispensable à la vie biologique ou matérielle. Il serait plutôt un luxe.
L’art n’a pas qu’une fonction ornementale ou décorative. Il ne consiste pas à rendre les choses jolies.
Mais le goût des arts et la fascination qu’il exerce sur nous n’est-il pas la marque de notre humanité ?
Le mystère de l’œuvre explique peut-être cette combien fragile magie qui s’exerce si on la préserve.
A quoi tient ce mystère ? A l’œuvre en elle-même ou au mythe qu’elle incarne ? Le sourire de Mona Lisa avait-il la même valeur énigmatique pour L. de Vinci que pour nous? Peut-être la réponse se trouve-t-elle fournie par la psychanalyse – « L’inquiétante étrangeté »chez Freud.
Peut-être la fascination tient-elle à l’impossibilité d’épuiser le sens qui se cache derrière une œuvre.
Même un historien de l’art admet qu’il est impossible de « dire » une œuvre, de la transcrire, de l’expliquer complètement. Aucun discours n’épuise une œuvre d’art. C’est sans doute ce qui rend toute interprétation infinie.
*Le sociologue Bourdieu suggère que chaque individu réagit à une œuvre en fonction de sa culture.
Kant avait lui une conception universaliste de l’art bien qu’il ait admis que l’origine sociale ou les différences culturelles peuvent constituer un obstacle. Il distingue « ce qui plaît de ce qui est Beau ». Il estime que certaines œuvres peuvent nous plaire sans être belles pour autant et inversement certaines œuvres peuvent être belles sans nous plaire. Il faut juger l’œuvre par rapport à elle-même et non par rapport à une idée préalable.
L’art n’obéit pas à des règles. L’artiste invente ses règles et l’artiste contemporain laisse parler sans hésitation son imagination. Ceci nous contraint à accepter ces nouvelles règles et à découvrir ainsi de nouveaux aspects de la réalité.
Pour Paul Klee, l’œuvre d’art c’est ce qui rend visible. Ainsi, le coucher de soleil n’est devenu objet de contemplation qu’avec le Romantisme. Donc l’attention à certains sujets esthétiques est relativement récente !
La représentation de la nature comme sujet esthétique est tardive. Elle semble contemporaine d’une réflexion philosophique qui fait de la nature un sujet.
L’Antiquité pense d’abord la résistance de l’homme et de la communauté face au cosmos.
Pour Eschyle, Sophocle les artistes sont les « tragédiens de la transgression qui rompt la séparation entre culture et nature »
*Depuis le Moyen-Age, notre vision de la nature a changé : il s’agit de reconnaissance du sens divin dans le livre de la nature.
Dans « l’apostille au Nom de la rose » Umberto Eco dit savoir « comment le moine perçoit le feu qui flambe ».
*Chez Bachelard, le « percevoir » est donc « surdéterminé culturellement, il n’est pas neutre (…) »
*Pour Pierre Soulages, Christian Boltanski, Daniel Buren, il faut « rendre visible l’invisible »
Pierre Soulages (j’adore, j’ai aussi travaillé ses œuvres en direct avec mes petits élèves!) fait surgir du noir toute une palette de nuances, de variantes inattendues de nouvelles couleurs, une étrange vie que lui donne la lumière. Il nous montre que là où l’on s’attend à trouver juste du noir, une couleur sans vie, banale, opaque, sans intérêt… on trouve » tout un monde ». Les enfants ne s’y sont pas trompés.
*Chez Hartung le mouvement se travaille en musique. Etc…
Notre projet s’appelait Reg’Art ou Percevoir pour mieux savoir… tout un programme!
Bref, l’artiste nous fait prendre conscience de l’existence d’un monde là où nos a priori et l’absence d’un regard véritable ne nous permettent de ne rien voir faute de n’avoir rien cherché.
*Chez le nouveau réaliste Armand, les poubelles, les empilements, les entassements signifient un « recyclage poétique du réel urbain, industriel, publicitaire » selon Pierre Restany
*L’art devient alors pour le spectateur un champ d’expérimentation pourvu qu’il accepte de se prêter au jeu.
Alors, si l’art consiste à montrer quelque chose que l’on ne voyait pas, l’art n’a-t-il pas alors pour vocation d’exprimer la réalité ?
*Dans les années 70, les artistes conceptuels considèrent que la seule fonction de l’œuvre est de se définir en tant qu’œuvre, de devenir commentaire d’elle-même. Autrement dit « l’œuvre d’art est un discours sur l’art ». Elle vise à expérimenter de nouvelles possibilités, de nouveaux champs. La réflexion de l’art sur lui-même devient central.
Et parallèlement, l’art se veut didactique et n’entend plus laisser au critique le monopole du discours sur l’art.
L’exemple de Duchamp mérite d’être retenu puisqu’il inaugure ce mouvement de l’art conceptuel. Duchamp a exposé des » ready-made », objets manufacturés tels que le porte-bouteilles, la roue de bicyclette ou encore l’Urinoir. Evidemment, ce coup de théâtre fit scandale en son temps. Il y avait alors quelque chose de révolutionnaire à exposer des objets empruntés à la banalité du quotidien et à les exposer telles qu’elles sans y apporter la moindre modification. Finalement le travail de l’artiste se réduisait là à la signature et au fait d’introduire dans un lieu institutionnalisé comme une galerie, un objet qui n’avait à l’origine absolument rien d’une œuvre d’art.
Ce réemploi est largement utilisé à la Maternelle et a été à la base de mon enseignement des arts plastiques. Un jour, mes petits élèves de 3 ans habitués à la discussion autour des œuvres d’art, en entrant dans la galerie où nous exposions nos œuvres en même temps que de véritables artistes, ont remarqué un vase de fleurs placé au centre de la pièce. Sans hésitation, ils sont allé s‘asseoir en rond autour du vase, attendant que je m’approche, prêts à discuter sur l’ « œuvre exposée » !!!
On peut se demander si Duchamp n’a pas contribué dans une certaine mesure à repenser la façon de regarder les choses les plus anodines.
*Je vous laisse vous aussi réfléchir à tout cela en regardant ces images. Ecartez vos a priori et acceptez de pénétrer dans ce monde « contemporain » qui nous échappe encore parfois.
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ou là : Antoine Tapiés
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